Échos christologiques et ecclésiologiques
Au-delà des articles de fond véhiculés par les revues de référence, des bulletins critiques, des recensions, attirent notre attention au fil de l’année.
À titre d’exemples et pour approfondir la présentation de notre vitrine de septembre dernier, nous avons retenu d’une part l’article du Père Bernard Sesboué, jésuite, NRT 135 (2013) p.303-306 et d’autre part le bulletin de christologie III du frère Philippe-Marie Margelidon, dominicain, RT 112 (2012) p.529-566. Tous deux évoquent l’aventure théologique éditoriale de la collection "Jésus-Jésus Christ" fondée par Joseph Doré, inaugurée en 1977 et close en 2011.
Dans la Nouvelle Revue Théologique, Bernard Sesboué, inlassable défricheur des champs dogmatiques, rappelle l’entreprise menée au long des cent ouvrages et son objectif "il s’agissait d’aborder le mystère de la personne de Jésus sous tous les angles possibles et de faire place à la multiplicité de discours actuels le concernant".
Et le jésuite de préciser l’ampleur de la perspective, qu’elle soit biblique, patristique, œcuménique, interreligieuse, puisant aux sources de la Tradition dans toutes ses acceptions, ne négligeant ni la philosophie, ni l’histoire, ni la culture dans ses expressions littéraire, musicale, honorant les grandes figures spirituelles, mystiques.
Qui dit Christologie dit réflexion théologique sans cesse reprise et élaborée à travers les siècles, de l’Antiquité au Moyen Age, de la période moderne jusqu’aux recherches contemporaines qui ont notamment marqué le XXème siècle tant du côté protestant que du côté catholique. Une multitude d’auteurs est convoquée attestant l’ampleur des travaux.
Le théologien jésuite pointe le changement de "statut épistémologique" avec un net déplacement d’une "christologie spéculative classique peu préoccupée des mystères de la chair du Christ … à un retour massif à l’Écriture".
L’auteur ajoute "L’articulation de la christologie d’en bas — expression nouvelle qui renvoie à la genèse de la foi en Jésus comme Christ et Seigneur chez les apôtres depuis leur rencontre avec lui jusqu’à l’expérience de la résurrection — et de la christologie d’en haut — qui remonte à l’envoi du Fils ou Verbe préexistant par le Père — a trouvé progressivement son équilibre …".
Il salue également cette aventure francophone et note que si "le désir de dire «tout» sur le Christ est évidemment irréalisable, on doit se réjouir que tant de choses aient été si bien exprimées !" avant de conclure "Une grande tâche a été ainsi accomplie au bénéfice de tous les hommes de bonne volonté sur la personne de Jésus confessé comme Christ…".
Autre est la perspective du frère dominicain Philippe Marie Margelidon. Le nourrissant bulletin de christologie de la Revue Thomiste (qui paraît toujours avec un certain temps de décalage en passe d’être rattrapé) atteste d’une analyse approfondie et exigeante qui fait droit à la critique.
Le théologien prend le temps tout d’abord de saluer cette collection "ensemble unique en langue française et en Europe" et de remercier Mgr Doré "d’avoir donné le dernier coup de main à cette entreprise remarquable où l’érudition est au service de synthèses utiles auxquelles étudiants et professeurs auront tout intérêt à prêter attention pour leurs études".
Il note néanmoins que "l’extrême diversité est à la fois un signe de fécondité et un signe de désarroi, ce que la production la plus récente confirme". Comment analyser et comprendre ce désarroi ? Pour le frère dominicain "les ouvrages de christologie se font rares dans l’espace francophone ; ailleurs, les choses sont moins marquées. Des bilans sont en cours et des propositions nouvelles s’esquissent çà et là. Elles doivent être confirmées".
Pour étayer son point de vue, le théologien se livre notamment à une évaluation pointue, dans un parcours centré sur le Jésus de l’histoire et le Christ dans l’histoire, des christologies exégétiques, modernes, contemporaines.
Ph.-M. Margelidon reprend notamment les travaux des colloques de Paris et Strasbourg qui sont parus dans cette même collection "Jésus-Jésus Christ". En vous laissant le soin de découvrir une analyse serrée, libre et contestant bien des positionnements, nous évoquons, pour partie, sa "conclusion provisoire" ; Le théologien note d’une part qu’ "à travers une apparente diversité de style et de contenu, la christologie chrétienne peine à adopter un langage commun." et que d’autre part "on ne pourra faire longtemps l’économie d’une réflexion conséquente sur l’essence de la christologie et ses fins spéculatives et pas seulement sur «l’acte», «le geste» ou «la démarche» théologique…" et l’auteur du bulletin de souligner "Nous sommes à la croisée des chemins, rien n’est définitif et rien n’est inéluctable".
La belle vision ecclésiologique du Pape François :
Qu’il nous soit permis de l’exprimer ainsi, elle est à goûter sans modération dans l’interview que ce dernier a accordé au Père Antonio Sparado, S.J, directeur de la Civilta Cattolica qui représentait l’ensemble des revues culturelles européennes et américaines, dont les responsables avaient préparé un certain nombre de questions. Voici ce que nous nous sommes permis de retenir et de porter à votre attention.
Extraits [ parus] dans la Revue Etudes, octobre 2013 , Tome 419, n°4 (4194) 157ème année :
L’Église, peuple de Dieu
L’image qui me plaît est celle du saint peuple fidèle de Dieu. C’est la définition que j’utilise souvent, et c’est celle [de la constitution conciliaire] de Lumen Gentium au numéro 12. L’appartenance à un peuple à une forte valeur théologique: Dieu dans l’histoire du salut a sauvé un peuple. Il n’y a pas d’identité pleine et entière sans appartenance à un peuple. Personne ne se sauve tout seul, en individu isolé, mais Dieu nous attire en considérant la trame complexe des relations interpersonnelles qui se réalisent dans la communauté humaine. Le peuple est sujet. Et l’Église est le peuple de Dieu cheminant dans l’histoire, avec joie et douleurs. Sentire cum Ecclesia (sentir avec l’Eglise) pour moi c’est être au milieu de ce peuple…
L’Église de la miséricorde
Je vois avec clarté que la chose dont a le plus besoin l’Église aujourd’hui c’est la capacité de soigner les blessures et de réchauffer le cœur des fidèles, la proximité, la convivialité. Je vois l’Église comme un hôpital de campagne après une bataille. Il est inutile de demander à un blessé grave s’il a du cholestérol et un taux de sucre trop haut ! Nous devons soigner les blessures. Ensuite nous pourrons parler de tout le reste. Soigner les blessures, soigner les blessures… Et il faut commencer par le bas. L’Église s’est parfois laissé enfermer dans les petites choses, de petits préceptes. La chose la plus importante est la première annonce : "Jésus Christ t’a sauvé !".
L'actualité des revues au 25 novembre 2013 VLM
Qui dit Christologie dit réflexion théologique sans cesse reprise et élaborée à travers les siècles, de l’Antiquité au Moyen Âge, de la période moderne jusqu’aux recherches contemporaines qui ont notamment marqué le XXème siècle tant du côté protestant que du côté catholique.