Chronique 2021-3 : mot de Pâques 2021
Dans les Confessions de notre saint, une voix intermédiaire se fait entendre :
« une voix intermédiaire en quelque sorte entre la créature à la recherche du vrai Dieu, en mal de vérité, et la Divinité à laquelle, implicitement ou non, ce travail d’élaboration s’adresse : cette voix est celle de l’oiseau dont la présence d’abord discrète, en filigrane, intermittente se fera, chemin faisant, plus insistante et qui finira par devenir, avec l’abondant livre XIII, le livre de la synthèse finale, capitale et symphonique. » Jean Lacroix, "À l’écoute des Confessions : l’oiseau de saint Augustin", pp. 139-152, (1)
Promesse d’avenir !
« Celle du petit oiseau, de l’oisillon, devenu synonyme de précoce recherche de la vérité. Celui-ci apparaît à l’avant-dernier livre des Confessions, le XIIe et dans deux chapitres, XXVII et XXVIII, mais de façon différente.
La première mention, celle du premier des deux chapitres (XXVII, p. 129) dit exactement ceci :
‘de plus, que ce petit oiseau qui n’a point encore de plume, ne soit pour le reporter dans son nid, afin qu’il vive et qu’il y demeure jusqu’à ce qu’il puisse voler’. »
Ainsi le chrétien est invité à voler de ses propres ailes après avoir été initié en Église. Le Christ lui-même n’hésite pas à utiliser la comparaison pour évoquer la tendresse et la protection qu’il souhaite apporter au peuple d’Israël : « Jérusalem, Jérusalem…combien de fois j’ai voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes ». (Mt 23, 37).
Jacques-Bénigne Bossuet (surnommé parfois l'« Aigle de Meaux »), parlera du « nid de la foi » :
« Par quelle miséricorde Dieu vous a tirés de l’erreur, et la joie que vous ressentez en vous reposant dans l’Église, où vos pères ont servi Dieu et se sont sauvés, d'y trouver votre sûreté, comme les petits oiseaux dans leur nid et sous l'aile de leur mère. C'est dans cet esprit que saint Augustin racontait au peuple de Carthage les erreurs de sa téméraire et présomptueuse jeunesse […] vous qui vous tenez petits et humbles dans le nid où votre foi se doit former et nourrir. » Œuvres complètes, Sur les promesses de l’Église, p. 45.
Un oiseau porteur de Résurrection !
L’oiseau devient alors soit un emblème tel que l’héraldique peut le révéler (comme, par exemple, l’aigle à deux têtes des Habsbourgs ou les insignes papales) soit tout juste un indice voire une trace, celle, lumineuse d’une transcendance dont put bénéficier le pécheur repentant, Augustin.
Dieu est au tréfonds de l’homme et l’intériorité est le chemin par excellence qui mène à Dieu. La mystique est une réalité qui ne vient pas de l’homme mais de Dieu, dans ce mystère d’Amour toute l’initiative vient de Dieu et de Dieu dans sa plénitude trinitaire. Hadewijch d’Anvers en témoigne en relatant comment, au cours d’une extase, elle se vit avec Augustin, ravis dans la Trinité, sous la figure de deux aigles :
« Alors je vis venir un oiseau qu’on appelle phénix : il dévora un aigle gris qui était jeune, et un aigle aux plumes blondes et neuves, qui était vieux…L’un des aigles qui furent engloutis était saint Augustin et l’autre moi-même…L’aigle ancien aux plumes blondes, jeune et vieux à la fois, était saint Augustin, ancien et parfait dans l’amour de notre Amour…Cette couleur blonde de l’oiseau ancien signifiait… la jeunesse éternelle de l’amour, qui ne cesse jamais de croître dans le ciel et sur la terre. Et le phénix qui dévora les deux aigles est l’unité de la Trinité sainte où nous étions perdus tous deux ».
Alors petit poussin, grand rapace ou phénix : Bel envol vers Pâques !
(1) Dans Chantal Connochie-Bourgne (éd.), Déduits d’oiseaux au Moyen-Age, Aix, Presses de l’Univ. de Provence, 2009.
J.L.
Une exposition sur le thème des oiseaux : "Envol vers Pâques !" est toujours visible à la bibliothèque diocésaine de Bordeaux.