Chronique mars 2013

De l'Orient à l'Occident : la route de l’Écriture

    Poursuivant la réflexion sur la place du livre dans notre monde, nous vous convions à un détour en pays "Miao". Ce peuple habite les montagnes du sud-ouest de la Chine. Il ne possède pas de véritable système d’écriture, seulement quelques signes pictographiques retrouvés sur des planchettes de bois ou dans certains motifs de broderie. Une tradition orale très vivante se perpétue encore aujourd’hui.

     Pourtant… l’existence des nombreuses tribus qui le composent nous est parvenue grâce aux anciens écrits chinois. Les ancêtres des Han, inventeurs depuis des millénaires de la calligraphie ont consigné dans des manuscrits devenus précieux les us et coutumes de ces indigènes. Les mouvements de population y sont relatés et les Miao, surnommés "migrants des montagnes", deviennent peu à peu sujets d’observations ethnologiques.

     À l’époque Ming et Qing il existe des "Catalogues des cent Miao" selon une copie aujourd’hui disparue conservée au musée de la Cité interdite à Pékin qui aurait contenu cent dessins descriptifs.
    Au XVIIIème siècle, les différentes tribus sont décrites dans des croquis reproduisant essentiellement leurs costumes (avec plus ou moins de détails) et leurs mœurs commandés à des peintres par les autorités chinoise afin de mieux connaître leurs traditions. Ils deviendront aussi la propriété de missionnaires et découvreurs occidentaux qui souvent les feront relier à leur retour en quasi-livres bientôt appelés "album Miao" (souvent, seulement la page de droite est utilisée pour l’illustration, celle de gauche servant parfois de support au texte qui l’accompagne).

    Ainsi, la Bibliothèque diocésaine de Bordeaux possède un de ces trésors imagés (avec cartouches rouges en chinois ancien donnant le nom des différentes ethnies). Certains noms sont traduits et une préface accompagne l’ouvrage, en français et à la plume.

     Il souligne l’importance d’une langue, d’une écriture et même d’une présentation dans la propagation d’une culture.

     Nous tirons nos racines chrétiennes de la forme du livre et spécialement de la possibilité de la "double page" qu’il offre. Comme le souligne Jeffrey F. Hamburger dans un essai intitulé La double page dans les manuscrits enluminés du Moyen Age : "La tension entre dissimulation et révélation, représentée par le livre ouvert ou fermé, est une constante dans l’art chrétien." (p. 30)  

     "L’ouverture d’un livre ne va pas de soi… [Voir à la suite de cette chronique la vidéo sur You Tube intitulée "Le support technique médiéval" (The medieval helpdesk) qui montre avec humour les difficultés rencontrées par un moine pour ouvrir un livre]… La page unique ne représente que la moitié du champ visuel offert par un livre qu’on tient ouvert devant soi." Ibid p. 26-28

     Page simple de l’album Miao reconstituée par le missionnaire qui nous projette à l’orient des cultures ; page double du Beatus latin dont nous reparlerons et qui nous plonge dans le mystère de l’Apocalypse compris comme Révélation…

     "Comment nous, lecteurs, pouvons franchir le seuil des espaces qu’elle ouvre", là se trouve la transmission !

J.L.

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