Sixième chronique 2017 : Une rentrée qui nous "oblige"
Une bibliothèque diocésaine ne peut se cantonner à offrir en son sein un espace privilégié, havre de paix et de silence pour nourrir le travail intellectuel habituel de ses lecteurs.
Elle prête attention aux bruits de la cité, à la rumeur du monde, aux enjeux sociétaux, ecclésiaux. Elle se doit avec discernement de rendre compte des appels et des responsabilités qui naissent au fil de la vie.
En ces jours qui ouvrent une nouvelle étape de la vie diocésaine, scolaire et universitaire nous désirons relayer la pensée de deux personnalités, homme et femme.
Le premier, le pape François, a choisi une date symbolique, la solennité de l'Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie le 15 août, pour adresser un message ferme en vue de la journée du migrant et du réfugié le 14 janvier 2018 sous le titre : accueillir, protéger, promouvoir, intégrer.
"La Mère de Dieu a fait elle-même l’expérience de la dureté de l’exil (cf. Mat 2, 13-15)", rappelle le pape. Il note avec insistance que "tout immigré qui frappe à notre porte est une occasion de rencontre avec Jésus Christ, qui s’identifie à l’étranger de toute époque accueilli ou rejeté." Sans se lasser, face aux frontières qui se ferment, aux politiques d’isolement, avec réalisme quant aux possibilités, avec ces quatre verbes choisis, l’Église, par la voix de son pasteur suprême, rappelle sa doctrine. Doctrine qu'elle ne peut taire et à laquelle déjà, à travers le monde, des croyants, hommes et femmes de bonne volonté essaient de répondre par de multiples initiatives. Mais ce n’est pas suffisant.
Luccetta Scaraffia est cette italienne, théologienne à qui le pape a confié le supplément Femmes, Église, Monde au sein de l’Osservatore Romano.
Sous le titre "Migrations et traite", la journaliste analyse les effets pervers "d’un véritable marché de la chair humaine", stigmatise les tortionnaires et les riches gains illicites car, ce sont, rappelle-t-elle, "les passeurs qui font les politiques migratoires de l’Union européenne". Et cette tragédie pénalise, note-t-elle, "les vrais migrants, par des coûts de voyage exorbitants eux qui fuient des situations désespérées, guerres, violences endémiques, famines".
Réaliste, la théologienne note que "face à une situation aussi complexe que difficile, la réponse ne doit pas être seulement celle, qui est un devoir, d’accueillir les migrants et de leur offrir une insertion digne dans les pays européens mais de réprimer efficacement l’exploitation de ces victimes". Car pour cette femme engagée, il faut sortir des abstractions et, comme le pape François qu’elle cite, dénoncer, agir et lutter sans cesse "contre cette forme d’esclavage moderne".
Marie exilée, les migrants accueillis, rejetés ou défigurés... À l’aune de l’hospitalité, véritable visitation dans la tradition chrétienne, l’enjeu demeure : se convertir à l’Autre et "traverser les frontières !"
VLM
P.S. : Le Hors série n°2014, septembre 2017, de la Revue d’Éthique et de Théologie morale est consacré à : Politique des frontières, tracer, traverser, effacer.

